Comment interpréter et exploiter les gaps ?

By | 23/04/2013

Qu’est ce qu’un gap ?

Le ‘gap’ est sans nul doute le terme de l’analyse technique le plus connu du grand public, compte tenu de sa fréquence d’apparition. Il s’agit en fait du terme anglais pour parler d’un trou. On parle donc de gap lorsque l’on constate qu’il y a un trou au niveau des cotations, phénomène qui se distingue nettement sur un graphique. Prenons le cas de l’action Renault (exemple ci-dessous) : au cours de sa séance  du 6 octobre, le titre s’est échangé entre 34,89€ (au plus bas du jour) et 35,67€ (au plus haut du jour). Le lendemain, les extrémités du titre ont en revanche été 36,78€ et 38,24€. Entre ces deux séances, il n’y a donc pas eu la moindre cotation dans l’espace compris entre 35,67€ et 36,78€ ce qui constitue l’espace du gap.

Pour visuellement repérer un gap, il faut utiliser une représentation des cotations particulière, qui permet de signaler les extrémités, ce qui est le cas des chandeliers japonais et des graphiques en barres (bar-chart). En revanche, si l’on observe un graphique par le bais d’une courbe, c’est à dire en reliant les cours de clôture en ligne, l’apparition d’un gap n’est pas visible. L’unité de temps n’a pas d’importance : on peut observer un gap sur des données horaires, journalières, hebdomadaires,… S’agissant du marché actions, c’est toutefois sur une base quotidienne que son exploitation est la plus pertinente, compte tenu du rythme des marchés.

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Exemple d’un gap sur l’action Renault

Les différents types de gap

Si le principe du gap est simple à intégrer, il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’il y a différents types de gaps, et que chacun d’entre eux à des significations et des conséquences différentes. Il faut donc être très prudent quant aux propos tenus sur certains forums par des néophytes ou débutants tirant des conclusions sur un gap, sans parvenir à comprendre les fondements de celui-ci et donc ce qu’il implique.

Voici les quatre types de gap répertoriés :

  •  le gap commun (common gap)
  •  le gap de rupture (breakaway gap)
  •  le gap d’accélération (runaway gap)
  •  le gap d’épuisement (exhaustion gap)

Le gap commun (common gap) est le plus fréquent et constitue un évènement anodin pour l’actif concerné, raison pour laquelle ils sont souvent rapidement comblés. Il apparaît généralement dans une période ou l’hésitation est forte sur les marchés, c’est à dire dans des marchés de consolidation. C’est ce que l’on peut d’ailleurs constaté sur l’indice CAC 40 au cours du printemps 2011. Aucune tendance claire ne se dessine et plusieurs gaps communs se sont succédés.

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Série de gaps communs sur l’indice CAC 40

Le gap de rupture (breakaway gap) constitue un événement brutal de transition entre deux tendances, qui va constituer un signal fort de changement de perception des investisseurs sur un actif. Dans le cas d’une action, ce type de gap va donc apparaître lors d’une annonce ou d’une publication de résultats qui vont surprendre les investisseurs. Dans le cas positif, la société va par exemple annoncer des chiffres nettement supérieurs aux attentes, un nouveau produit ou contrat qui va lui permettre de changer de dimension ; dans le cas négatif, il peut s’agir d’un avertissement sur résultats (profit warning), de l’abandon d’un projet, d’anomalies comptables, etc. Ce gap est rarement comblé, et constitue le point de départ d’une nouvelle phase de tendance qui devrait s’étaler sur plusieurs semaines ou mois. Plus les volumes sont importants et plus le signal est significatif.

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Exemple d’un gap de rupture sur l’action Soitec

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Exemple d’un gap de rupture sur l’action Vallourec, suivi d’un gap d’accélération

Le gap d’accélération (runaway gap) apparaît au sein d’une tendance bien établie. Dans le cas d’une dynamique haussière, c’est généralement lorsqu’une bonne nouvelle supplémentaire est publiée (résultats trimestriels conformes ou supérieurs aux attentes, nouveau contrat ou partenariat, hausse du dividende, relèvement de l’objectif par un courtier). C’est el type de gap que l’on pouvait constater sur le titre Gemalto en mars : le titre suivait une dynamique haussière, et ce gap n’a fait que confirmer la tendance en place, qui s’est poursuivie vers de nouveaux sommets.

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Exemple de gap d’accélération sur l’action Gemalto  

Le gap d’épuisement (exhaustion gap) apparaît en fin de mouvement, et constitue bien souvent le point de départ d’une nouvelle tendance opposée. Plus le volume est important et plus cela donne de poids à ce retournement. Dans le cas d’Ubisoft, le titre a chuté pendant plusieurs mois, et lors d’une nouvelle annonce en janvier, le titre a lourdement chuté ouvrant un gap : a ce niveau de valorisation, le pire avait été envisagé et les cours ont progressivement entamé une phase nouvelle tendance haussière, qui a permis à la valeur de passer de 10€ à 17€ (+70%) en l’espace de trois mois. Lorsque la tendance est préalablement haussière, le gap d’épuisement apparaît à l’inverse quand toutes les bonnes nouvelles sont connues et que les intervenants deviennent euphoriques, comme en 1999/2000 sur les valeurs TMT (technologies, médias et télécoms).

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Exemple de gap d’épuisement sur l’action Ubisoft

6 thoughts on “Comment interpréter et exploiter les gaps ?

  1. Thom

    Article bien rédigé, merci.

    Par contre pas facile de spéculer sur un gap, comment déterminer, d’un point du vue de l’analyse technique, qu’on est bien (par exemple) dans un gap d’accélération et non pas dans un gap de rupture baissier ?
    Parce que si je comprends bien on est obligé d’être tenu au courant des annonces de l’entreprise, donc tout analyse technique est fortuite.

    Et ensuite, la distinction nette entre un gap de rupture et celui d’accélération, c’est le volume d’échange, qui est plus important dans un gap de rupture que celui d’accélération ?
    Exemple, l’action « Soitec ». Tendance latéral au départ, puis tendance haussière pendant un laps de temps non négligeable, on pourrait penser que le gap se formant est un d’accélération et non de rupture… Sauf si le volume nous montre bien que c’est un gap de rupture vu la hausse du volume d’échange ?

    J’espère avoir été assez clair dans mes questions ^^

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  2. Jérôme Vinerier

    @ Thom

    Distinguer un gap de rupture d’un gap d’accélération n’est pas ce qu’il y a de plus difficile. Le gap de rupture constitue un vrai choc, qui remet en cause la tendance préalable. Son effet de surprise est tel qu’il constitue un changement radical au niveau de la tendance. Dans le cas de Soitec, on passe d’une phase de tendance latérale (trading range) à une tendance haussière. Le gap de continuation, quant à lui, ne fait que confirmer la tendance préalable.

    Pour être plus explicite, j’ai rajouté un second exemple sur le titre Vallourec, sur lequel vous constaterez la présence de ces 2 gaps : le gap de rupture constitue le point de départ d’un retournement, tandis que le gap d’accélération ne fait que confirmer la tendance baissière déjà en place.

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  3. Alex974

    Merci pour cet article passionnant.
    Je relève dans mon ‘carnet’ les gap de mes actions favorites, faudrait que je fasse un tableau exel ca serait plus simple.
    Mais je ne savais pas qu’on pouvait avoir différents types de gap, je dormirais moins bête ce soir !

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  4. Thom

    Merci.
    Oui je vois l’idée principale, mais ma question était autre et je me rends compte que je me suis mal exprimé ^^

    Je prends un exemple avec le graphique de Vallourec:
    Je suis en Août (cfr graphique) et un gap est EN TRAIN de se former, je vois que la tendance, avant que le gap ne se soit formé, est à la hausse. Je pourrai me dire : tiens, on va avoir un gap de rupture baissier, je vais donc shorter l’action. Alors que ça pourrait être tout à fait l’inverse, et qu’on se retrouve avec un gap haussier et qu’on aurait du être positionner en long.

    Pour en revenir à ma question, le gap et mon analyse technique me permette-elle d’anticiper la tendance JUSTE au moment où le gap se forme ?
    Parce que ici, on voit clairement la distinction entre les différents gaps, mais le problème est qu’on prendrait position déjà un peu trop tard à mon gout, moi je souhaiterai prendre position juste au moment où le gap se forme parce que j’aurai pu anticiper le type de gap qui est entrain de s’afficher et donc prendre position et assurer mes gains.

    Encore une fois, je sais que le développement de ma question est assez floue, et je pense que j’aurai eu plus facile de la poser sous forme mathématique (avec le gap = assymptote ect..). ^^
    Merci de ta/tes réponses. :-)

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  5. Jérôme Vinerier

    @ THOM

    Un gap de rupture ne peut être anticipé, mais certains signes précurseurs permettent d’alerter sur le risque d’un retournement de la tendance, comme par exemple la figure en épaule tête épaule : http://www.andlil.com/presentation-de-la-formation-graphique-en-epaule-tete-epaule-ete-116309.html
    Pour rappel, le gap de rupture constitue une surprise pour la majorité des intervenants, raison pour laquelle les volumes sont généralement aussi élevés et la volatilité accrue. Il s’agit d’un véritable choc, d’un contre pied. Dans le cas de Vallourec, la lecture graphique nous renseigne sur le fait que la tendance haussière est belle et bien finie et que le titre risque de suivre une orientation baissière. Je comprends ta remarque, à savoir de pas pouvoir vendre avant ce signal, mais l’exploitation qu’il est possible d’en faire est de prendre position une fois le signal avéré et la nouvelle dynamique enclenchée. C’est le principe de base du suivi de tendance (trend following).

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  6. Thom

    Et tu as parfaitement bien répondu à ma question, merci. C’est beaucoup plus clair.
    Dommage qu’on ne puisse l’anticiper (en même temps, quand j’y repense, ça se saurait de tout le monde si c’était si évident à anticiper ^^).
    Merci pour ton temps. 😉

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